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10ème convention de la Francophonie : la gestion des risques au service du développement économique de l'Afrique

La gestion des risques est l’un des leviers du développement économique du continent africain. En deux tables rondes, les membres du club FrancoRisk ont avec lucidité posé le cadre du marché de l’assurance et de la place des ressources naturelles dans les schémas de développement.

« En dix ans, le club FrancoRisk est devenu un outil de développement de la gestion des risques en Afrique », s’est félicité Gilbert Canaméras, son président, en ouverture de la 10e convention de la Francophonie qui, comme chaque année, s’est tenue quelques heures avant l’ouverture officielle des Rencontres. « Car malgré ses difficultés, le continent africain reste une formidable terre d’opportunités. » « Vous faites partie de la grande communauté de la gestion du risque, a ajouté Oliver Wild, président de l’Amrae. Le club FrancoRisk nous donne un rayonnement international et nous enrichit de vos expériences. » Ces expériences ont été au cœur des deux tables rondes consacrées au marché – ou plutôt aux marchés – de l’assurance et au rôle des ressources naturelles dans le développement économique du continent.

Panorama des marchés africains

« La campagne des renouvellements semble avoir été plus simple en Afrique qu’en Europe », notait Jean-Pierre Fritsch, membre du comité de direction du club FrancoRisk, modérateur de la première table ronde. « Ils se sont plutôt bien passés en termes de timing et de placement, confirmait Xavier Mallez, directeur de clientèle grands comptes et risques spéciaux d’Ascoma, un courtier présent dans 23 pays d’Afrique. Mais avec des disparités sur les niveaux de prime. Face à la volonté de nos clients de contenir leur budget assurance, nous avons dû faire preuve d’imagination. » C’est ainsi que Mamadou Moussa Diouf, directeur général de Sunu Assurances IARD, a été tiraillé entre, « d’un côté, les augmentations de primes de réassurance et, de l’autre, des courtiers tirant les prix vers le bas. Mais nous avons su nous adapter ». Réponse d’Olivier N’guessan-Amon, directeur régional d’Africa Re, leader du marché africain de la réassurance : « Comment tirer les prix vers le bas, alors même qu’on nous demande des garanties plus larges et que l’inflation risque de faire augmenter la sinistralité ? »
En dix ans, le club FrancoRisk est devenu un outil de développement de la gestion des risques en Afrique
Gilbert Canaméras, Président du club FrancoRisk

Terre d’opportunités

Tous les intervenants se sont accordés sur un point : c’est par la qualité des dossiers que le marché s’ajustera : « L’inflation a pu compliquer la collecte des valeurs, admettait Xavier Mallez. Mais « avoir des dossiers bien constitués, avec une information suffisante, nous permet de dégager de la capacité à bon escient », ajoutait Étienne de Varax, directeur général par intérim de HDI Global SE France. Ils se sont également accordés sur le fait que le continent africain est constitué de marchés différenciés, « avec des similitudes, mais aussi des cultures de l’assurance et des systèmes de régulation différents », a insisté Olivier N’guessan-Amon.
De ce point de vue, la complexité des circuits de financement et le manque de régulation peuvent être des freins au développement de l’assurance. Pour autant, « l’Afrique reste une terre d’opportunités, a renchéri Mamadou Moussa Diouf. Nous manquons encore de maturité sur certains risques. Mais il y a de vraies compétences sur les marchés locaux. » Ainsi qu’une réelle capacité d’innovation : « Sur le marché du risque politique, par exemple, nous ne plaçons plus nos risques à Londres, a expliqué Xavier Mallez. Nous avons su faire émerger des solutions alternatives locales. » Le taux de pénétration de l’assurance reste faible en Afrique, « parfois inférieur à 1 % en zone CIMA », a commenté Étienne de Varax, convaincu que l’assurance apporte « une contribution fondamentale à la croissance et la stabilité d’une économie ». Il a cité en exemple le Maroc, où « la montée en puissance de l’assurance obligatoire a fait émerger des acteurs locaux forts ».
"Comment tirer les prix vers le bas, alors même qu'on nous demande des garanties plus larges et que l'inflation risque de faire augmenter la sinistralité ?"
Olivier N'Guessan-Amon, Directeur régional d'Africa Re, bureau d'Abidjan

Faire des ressources naturelles un véritable levier de croissance

« Le continent africain détient 30 % des réserves mondiales de minerai, mais il peine à transformer ces ressources naturelles en développement économique », constatait Gilbert Canaméras pour introduire la deuxième table ronde. Ces ressources sont-elles une malédiction ou la bonne fortune de l’Afrique ? Au terme d’une présentation passionnante faisant apparaître une corrélation statistique entre richesses naturelles et risque politique, Aroni Chaudhuri, économiste à la Coface, formulait sa réponse : « La malédiction des matières premières est avant tout un problème de gouvernance. » Associé et cofondateur du cabinet d’avocats HMN Partners, Simon Ndiaye appelait à une « prise de conscience que ces ressources sont un bien commun. Certains dirigeants en sont conscients. D’autres moins… ». Pour accompagner des projets énergétiques et miniers « portés par des investissements internationaux, les États doivent mettre en place des réglementations et des équipes techniques capables de négocier avec les extracteurs », poursuivait Simon Ndiaye. Directrice déléguée à la gestion des risques d’Eramet, Stéphanie Canino est venue témoigner de son expérience et des défis du groupe minier et métallurgique en Afrique, tout particulièrement au Gabon, « où nous sommes présents depuis plus de soixante ans et où notre concession ferroviaire fait de nous le premier employeur du pays ». Ce qui lui confère des responsabilités, environnementales et sociales notamment : « Nous voulons être un opérateur choisi du fait de notre façon d’opérer », a-t-elle insisté.
"Sur le marché du risque politique, nous ne plaçons plus nos risques à Londres."
Xavier Mallez, Directeur de clientèle grands comptes et risques spéciaux d'Ascoma

Acceptabilité sociale et environnementale

« La notion d’acceptabilité sociale et environnementale des grands projets est de mieux en mieux prise en compte, confirmait Xavier Dubois, souscripteur Mines chez Scor. Quant aux risques financiers et techniques, ils sont appréhendés sur la base de rapports produits par des cabinets internationaux de haut niveau. » Pour autant, « nous refusons de nombreux clients. Et nous ne nous interdisons pas d’interrompre une relation historique si le profil de risque de l’entreprise se détériore. » De fait, « peu d’assureurs acceptent de couvrir le risque minier », attestait Gilbert Canaméras. Pour Stéphanie Canino, la solution peut venir de la RSE : « Nous l’avons placée au cœur de notre stratégie, avec une feuille de route sur cinq ans alignée sur les objectifs de développement durable des Nations unies. » « Dans ce domaine, Eramet a un rôle moteur et montre que les industries minières peuvent être exemplaires », commentait Xavier Dubois, qui rappelait qu’en 2019 « deux catastrophes au Brésil ont secoué l’industrie mondiale et l’ont amenée à élaborer une norme de gestion des résidus ». Simon Ndiaye estimait, quant à lui, que « la société civile a un rôle central. Les journalistes et les ONG ont une expertise qui leur permet de challenger les États et les investisseurs. Des progrès ont été faits, mais il reste encore beaucoup à faire. Il faut militer pour le renforcement de la place de la société civile et des citoyens afin que l’exploitation des ressources naturelles soit faite de façon équitable. »
"Nous refusons de nombreux clients. Et nous ne nous interdisons pas d’interrompre une relation historique si le profil de risque de l’entreprise se détériore."
Xavier Dubois, Souscripteur Mines chez Scor